T’étais là, peut-être.
Mais moi, j’étais invisible.
Grandir sans repères, c’est vivre dans un monde où tout le monde semble savoir où il va, sauf toi. C’est avancer dans la brume, les yeux ouverts, mais sans direction. Il n’y a ni main pour te guider, ni voix pour te rassurer. Seulement le silence, parfois entrecoupé de regards qui ne te voient pas. Ce n’est pas seulement l’absence d’une présence physique c’est l’absence d’un ancrage, d’un chez soi intérieur.
I. L’absence de repères familiaux : le vide au commencement
La famille, pour beaucoup, c’est la première école du cœur.
Mais quand cette école ferme trop tôt, on apprend seul.
Grandir sans repère familial, c’est chercher sans cesse une figure à admirer, une épaule sur laquelle reposer ses doutes, une voix qui dit : tu peux tomber, je serai là.
Mais quand personne ne t’attend, tu finis par ne plus rien attendre.
Tu développes une indépendance qui ressemble à de la force, mais qui n’est qu’un camouflage de blessures. Tu apprends à ne pas déranger, à tout garder pour toi, à sourire même quand ton monde s’écroule.
Tu deviens ton propre parent, ton propre refuge, ton seul témoin.
Cette solitude précoce laisse des marques invisibles. Elle transforme la manière dont on aime, dont on se protège, dont on regarde le monde. On grandit, oui. Mais sans racines. Et un arbre sans racines ne tombe pas toujours… il se dessèche lentement.
II. Le chaos émotionnel : douter de soi, douter du monde
Quand on n’a pas eu de repères affectifs, on ne sait plus très bien comment ressentir.
Les émotions deviennent des énigmes. On confond la peur et l’amour, la colère et la tristesse.
On apprend à cacher, à dissimuler, parce qu’exprimer devient un risque.
On se demande souvent :
Est-ce que ce que je ressens est vrai ?
Est-ce que j’ai le droit d’avoir mal ?
Est-ce que je mérite d’être compris ?
Cette confusion émotionnelle crée des murs intérieurs. On devient observateur de sa propre vie, spectateur de ses émotions. On se coupe du monde pour ne plus souffrir, mais ce mur finit par nous étouffer.
Le cœur, lui, bat toujours mais il bat dans le vide.
III. L’effondrement mental : sourire pour survivre
Sur le plan mental, grandir sans repères, c’est vivre avec des fissures qu’on apprend à cacher.
On craque souvent, mais en silence.
On rit fort pour ne pas pleurer.
On parle vite pour ne pas penser.
La fatigue devient permanente. Pas celle du corps, mais celle de l’âme.
Celle qui fait douter de tout, même du lendemain.
On s’accroche à des illusions : un rêve, une relation, une réussite. Mais rien ne comble ce manque d’origine.
C’est une blessure qui ne saigne pas, mais qui vide de l’intérieur.
Et pourtant, dans ce chaos, il reste une force étrange. Celle de continuer, même sans savoir pourquoi. Celle de sourire malgré la tempête. Celle de survivre là où d’autres auraient cessé de lutter.
IV. L’impact sur la société : une génération désorientée
Ce manque de repères personnels finit par se refléter dans la société.
Une société où beaucoup ne savent plus aimer sans craindre, aider sans douter, exister sans se comparer.
On voit des gens marcher vite, parler fort, se montrer heureux — mais à l’intérieur, beaucoup sont perdus.
Quand on n’a pas appris la tendresse, on a du mal à la donner.
Quand on n’a pas reçu l’amour, on le cherche dans des regards qui ne durent pas.
Alors, on s’isole. On s’éloigne. On se construit des carapaces en espérant que quelqu’un verra au-delà.
Mais rarement, on ose dire : je me sens seul.
Ce vide intime devient collectif.
Une société sans repères devient une société blessée, désunie, en quête de sens.
Et cette quête de sens, c’est le cri silencieux de tous ceux qui, un jour, n’ont pas été vus.
V. Exister malgré tout : la renaissance invisible
Grandir sans repères, ce n’est pas une condamnation.
C’est une épreuve qui forge différemment.
C’est apprendre, tardivement, à se donner à soi-même ce qu’on n’a pas reçu.
C’est comprendre que la douceur peut se réinventer, même après le froid.
Exister, ce n’est pas seulement vivre ou survivre.
C’est décider, un jour, de ne plus être invisible.
C’est regarder ses cicatrices et dire : elles ne me définissent pas, elles me racontent.
Parce que oui, les cicatrices sont invisibles, mais elles sont réelles.
Elles témoignent d’une enfance sans repères, d’une lutte silencieuse, d’une survie dans l’ombre.
Mais elles peuvent devenir la preuve qu’on a trouvé, enfin, la force d’exister par soi-même...
Grandir sans repères laisse des cicatrices que personne ne voit, mais que le cœur ressent chaque jour. Ce vide ne disparaît pas facilement, mais il peut devenir une force silencieuse, une lumière fragile qui nous pousse à avancer malgré tout. Ce que nous avons perdu en chemin ne définit pas ce que nous pouvons devenir.
Il est important de se souvenir que nous ne sommes jamais vraiment seuls. Beaucoup portent les mêmes blessures, le même sentiment d’abandon, la même envie d’être enfin vus et compris. Et c’est dans cette reconnaissance partagée que commence la guérison : quand on se regarde les uns les autres, non pas avec jugement, mais avec compassion.
On ne vit pas pour mourir.
On vit pour exister, pour se construire malgré le manque, pour transformer la douleur en sens, le silence en voix.
Exister, c’est refuser de disparaître.
C’est apprendre à dire : j’ai mal, mais je suis encore là.
Et parfois, ce simple fait d’être encore là…
est déjà une victoire..LUIGIE
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire